Mon Trail de l’Absinthe 2011

Suite à l’entrainement du-Creux du-Van du samedi 14 mai, j’ai des courbatures dans les jambes jusqu’au mardi suite à une descente rapide par le Single et la Ferme Robert jusqu’à Noiraigue. Il me reste un mois pour faire du dénivelé et habitué mon corps aux descentes. Ce sera le Creux-du-Van minimum une fois par semaine et 2 week-end avec de longs entrainements vallonnés dont un dans les Alpes avec de grosses montées et descentes.

La semaine avant le Trail, j’augmente mes heures de sommeil, je m’accorde aussi 2 jours de récupération totale et juste 25 minutes de course le jour avant pour me dérouiller, voir que tout fonctionne. C’est une course difficile qui exige relance sur les changements de rythme nombreux, bonne capacité autant à monter qu’à descendre, passages techniques sur des sentiers jonchés de cailloux, des dons d’équilibristes dans la descente du Chasseron et sur les sentiers boueux. La totale.

Samedi matin, je me sens en forme et prêt à en découdre, malgré une météo maussade. 7h15, le départ est donné, un rythme contrôlé de 4.20 au km me permet de converser avec des copains jusqu’à Noiraigue. Là, les affaires sérieuses commencent avec la montée des Oeillons et les 14 contours jusqu’au bord du cirque du Creux-du-Van. Je connais tellement bien cette pente que je la passe sans problème. En haut, 2 dames avec des cloches m’encouragent. Je suis seul depuis le bas de la montée et le resterai jusqu’à Môtiers. Le ravitaillement est le bienvenu en haut les 14, je vois évidemment plusieurs têtes connues mais j’ai juste le temps de dire bonjour et merci, d’avaler 3 ou 4 gobelets que je repars. Le vent est frais sur les hauts, dépourvus d’arbre pour nous protéger. Dans la descente avant vers Chez Amiet, sous les arbres, il fait presque nuit. Le passage dans les pâturages avec l’herbe mouillée irritent un peu mes pieds qui testent une nouvelle paire de chaussures. J’attrape 1 cloque sur chaque gros orteil, sur le côté extérieur. Je commence à avoir faim et suis content d’arriver au Couvent o ù je repars avec une demi-banane que je mangerai dans la descente de Riau et sur place, je mange un bout de farmer et 2 tucs salés. Mes semelles tiennent assez bien dans le terrain mais glissent sur la route mouillée. Les descentes dans la forêt après le Couvent et vers la Cascade de Môtiers sont glissantes, spécialement sur les cailloux, les racines ou les parties faites que de terre, donc prudence, on a plus à perdre qu’à gagner, je ne prends pas de risques, tout le monde va moins vite que si c’était sec.

A Môtiers, je mets un peu de liquide dans ma gourde en prévision de la montée jusqu’à Petit Beauregard, prochain ravitaillement. Le début de la montée dans la gorge de la Poëtta-Raisse se passe bien, je reviens sur un coureur en bleu. Il est au haut des escaliers alors que je vais les attaquer. Après le passage des champs, c’est la montée en zig-zag avant la Motte. Je connais un problème. Il y a une montée à l’alpage et je suis bloqué derrière le troupeau. Une montée à l’alpage d’escargots. C’est bien connu, les escargots à la montée laissent un fluide collant pour ne pas glisser en arrière. Mes pieds sont collés au chemin, les jambes lourdes, j’attrape même les étours, je dois marcher plusieurs fois, sans souffle. Alors que j’essaie de dépasser, un escargot me marche sur le pied. Alors par mimétisme, je prends leur allure. J’avance comme un escargot jusqu’à la Motte. Vous l’avez compris, j’ai des problèmes. En deça d’une certaine température j’ai des problèmes d’asthme. Alors je me dis, avant tout, on prend le départ pour essayer de finir. Souvent ce n’est pas la longueur de la course qui pose problème mais le rythme que l’on prend pour arriver au but. A l’entraînement, même quand on part pour des virées de 10- 11h ou plus on arrive toujours à destination, même si parfois on doit revoir nos ambitions de tempo à la baisse. Je me fais donc rattraper 2 fois et deux autres ne sont pas loin derrière non-plus. Là, à la sortie de la forêt le vent souffle, il pleut toujours et j’hésite à sortir mes gants et à m’habiller davantage. J’ai un survêtement léger mais chaud et une pélerine. Finalement je tiens jusqu’au Chasseron sans m’habiller. Je poursuis à présent un coureur de ma catégorie mais j’avance à mon rythme. L’écart varie entre 20 secondes et 1 minute. C’est encore un peu tôt pour se battre avec les autres. C’est déjà assez dur comme ça. Au Chasseron, j’ai mis environ 15 à 20 minutes de plus que d’habitude pour la montée. Avec l’âge avançant et la météo, on se transforme parfois en escargot.

Au Chasseron, le temps porte bien son nom du Trail de l’Absinthe. L e ciel est bien troublé et jalonné de nappes blanchâtres. Des effluves d’herbes mouillées et de senteurs de terre bien du terroir s’entremêlent avec les gouttes de pluie et des bancs de brouillards. On est trempe depuis un bon moment, on a l’impression d’avancer entre le fond du verre ou son rebord, parfois comme ivre, avançant sur les sentiers boueux en équilibre précaire.

Dans la partie supérieure de la descente du Chasseron, équipée de cordes, je rattrape le coureur en bleu que j’avais aperçu dans la Poêtta-Raisse et le coureur de ma catégorie. Là c’est la désalpe, et c’est bien connu, les escargots à la descente laissent un fluide hyper-glissant digne d’un fart de descendeur à ski. Donc je ne contrôle pas grand-chose, j’essaie juste de rester debout et c’est par miracle, sans avoir chuté que j’arrive à Noirvaux, parfois à la limite des crampes dus aux jambes crispées pour ne pas tomber. Je passe bien la bosse de St-Olivier et arrive un peu hors de souffle au ravitaillement de La Côte-aux-Fées, où j’engloutis coup sur coup 4 à 5 gobelets de coca. L’iso étant un peu léger, c’est la seule boisson qui m’apporte de l’énergie. Je salue et remercie, bien contents que des bénévoles patients et dévoués passent leur samedi à attendre la longue file bien étalée des coureurs, l’humeur parfois aussi encrottée que leurs chaussures.

La montée dans les prés est longue, les appuis pour les pieds incertains et les km déjà engloutis se font ressentir. Le panneau 50 km au passage d’un clédard me rappelle qu’il reste encore un tiers. Le coureur de ma catégorie, distancé avant St-Olivier a fait le forcing pour me rattraper. On discute de temps en temps. Dans la dernière montée avant la crête forestière qui mène au Chapeau de Napoléon, il finit par lâcher. Au ravitaillement, j’engloutis 4 à 5 verres de coca, remplis à moitié ma gourde et repars avec un bout de banane. Au moment où je repars il arrive. La descente sur St-Sulpice et la montée raide qui en suit se passe bien. Depuis Le Petit Beauregard, j’ai souvent quelque chose dans la bouche, que je mâche gentiment, avec des gorgées de gel d’hydrate de carbone. Il est important de manger régulièrement pour apporter de l’énergie au corps qui en dépense beaucoup. Comme cela prend de l’énergie de mâcher rapidement, surtout que la salive diminue durant l’effort, je mets des bouts de barres énergétiques ou de céréales dans la bouche et j’avale quant c’est devenu une sorte de bouillie, par petite quantité. Il me faut parfois 5 km pour manger une barre, ou entre 25 et 35 minutes, suivant la nature du terrain. Mais j’avale constamment quelque chose. Un gel d’hydrate de carbone fournit rapidement 200 calories mais écoeure aussi très rapidement. Le premier a failli me faire vomir durant 10 minutes. Dans la montée après le passage du tunnel sous la route cantonale, j’aperçois ma femme dans le contrebas du chemin qui forme une boucle. Environ 1min30 – 2 minutes derrière. Donc, comme d’habitude dans ces moments là, elle devient ma meilleure coach. Elle me fait prendre un rythme plus soutenu. Je ne veux pas être rattrapé. De tous les coureurs qui ont un dossard sur la poitrine au départ, j’en espère le maximum derrière moi à l’arrivée. Elle, de son côté, n’accepte pas les cadeaux en course. Voilà qui est clair pour elle et moi. Son extrême capacité endurante fait que souvent je la vois durant les épreuves de grande endurance. Je ne suis pas surpris mais comme d’habitude, elle me redonne des forces. A l’arrivée, j’arrive bien fatigué mais sans courbatures trop marquées. Ma préparation assez courte en dénivelé fut efficace. On fête le soir les 50 ans d’un ami, nos victoires respectives et notre premier anniversaire de mariage entre amis autour d’une fondue. La journée a été belle malgré la pluie, le vent, la boue et les escargots, et enfin grâce aux effluves d’absinthe qui sortent enfin bien réelle du soufflé à l’absinthe, arrosé du vrai breuvage. Le Trail de l’Absinthe porte bien son nom, des nappes brumeuses du départ au relent parfumé du dessert. Dommage pour ceux qui ne sont pas venus, mais nous, nous avons eu du plaisir. Les absents ont toujours tort.

Christian Fatton
Noiraigue, le 19 juin 2011, sans trop de courbatures.