Ma bête féroce

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Ma bête féroce

Grande est ma passion pour une bête féroce
Une carnivore dévorant même les os
Mon temps libre c’est elle qui me l’accapare
Rien ne l’arrête, même pas la pluie aux vents épars

Continuellement, ce fauve se joue de moi
Et je me fais avoir, sensible à son émoi
Des heures durant elle est là à me mordiller
Les jambes de préférence, du haut jusqu’aux pieds

Parfois elle exagère, elle me pinçote les nerfs
Et quand elle persévère, pisse le sang d’une artère
Des fois un mollet craque, si trop brutale est l’attaque
D’un excès de niaque, m’a même fissuré l’iliaque

Elle n’a aucune pitié, elle s’amuse à satiété
Je peux même le dire, je crains ses contrariétés
Lui dois être soumis, même si je suis mal pris
Je me dois d’être l’unique ami, j’en paie le prix

A force d’être mordillé, je me fais bouffer
Son appétit insatiable est de moi truffé
Il est celui égoïste d’une vraie charogne
S’il n’est pas assouvi, elle me met même en rogne

En attaque ouverte, crânement elle me contrôle
Cette carnassière dans ma vie prend mon rôle
Elle a pris le pouvoir, c’est elle qui tient la laisse
Où elle veut quand elle veut elle me promène l’ogresse

Elle m’ingère me suce me broie me mâchouille comme chique
Elle me malaxe elle me triture elle me mastique
Dévoré, oui, réduit en diète fourragère
Cartilage os muscles et tendons, elle me digère

La tête encore résiste à ses crocs affûtés
Elle tente de maîtriser, ce corps trop exploité
Elle l’encline à demeurer fidèle à la bête
A qui, même me malmenant, je fais des courbettes

Où en est-elle cette cruelle dans sa digestion ?
Sait-elle que nous sommes en symbiose de combustion ?
Sa flamme de vie luira tant qu’elle s’évadera
Mais sait-elle que la porte, seule ma main l’ouvrira ?

L’ingrate repue de moi, maintenant me régurgite
M’abandonne, me dépose comme une crotte au gîte
Quand elle me mangeait, moi je me nourrissais d’elle
D’une énergie commune, rêvions du même bordel

Celui où on s’assouvit sur des sentes humides
Où on débusque une laie dans l’lit d’un bassin
Où le souffle se fait court à gravir des monts ceints
D’effort, d’où on revient choyé d’un jour formid

D’être en nature en sueur, elle m’est responsable
Comme de me frotter aux étoiles ou dans le sable
D’être ébouriffé du vol des oiseaux migrant
Avec moi, mon fauve, au pays des courants d’air
Si je peine à suivre, elle est là me dénigrant
Me menaçant sadique de jour calendaire

On croit dompter la course-à-pied, c’est très courant
Mais tôt ou tard, se rebiffe cette bête carnassière


Christian Fatton
14-15 janvier 2019



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