Trail nocturne
Trail nocturne
Le coureur est séduit par le parcours de nuit
La concentration réduit la part triste d’ennui
Il s’agit de suivre l’onde du soleil ambulant
Le retard du regard à bien voir le rend lent
Le sentier est un serpent rétif à apprivoiser
Il étale ses pièges casse-gueule pour mieux le toiser
Si le coureur trébuche, les pierres saillantes l’épluchent
Et sonné par cette bûche, s’appelle lui-même trucmuche
Ses sens sur le qui-vive, il tremble d’entendre son souffle
C’est devenu un râle du tréfond viscéral
Il se rassure de poussifs jurons de maroufle
Et survit grâce à ce murmure inaugural
Entier il se relève, il peut poursuivre son rêve
De la nuit il est l’élève qui enseigne sans trêve
Il y apprend les bruissements, les cris, les bruits,
Le domptage de sa peur, heureux gains d’usufruit
Sa molle perception à la nature s’améliore
Comme son équilibre sur les terrains de tous bords
Des reliefs, des ombres, des nuances créent ses fantasmes
Lui halluciné, se crispe et subit son asthme
Les lampes des autres coureurs volètent comme des lucioles
Devant lui trop nombreuses brisent ses rêves de gloriole
Le podium convoité s’échappe dans les ténèbres
Son ambition se perd chaussée de pompes funèbres
Le coureur se fond dans le temps pétri de glu
La nuit même colle et absorbe le rayon occlus
Dans les creux brumeux qui l’obligent à tâtonner
L’écho des cris des frères perdus meurt bâillonné
Quand il passe l’arrivée les projecteurs l’assaillent
Ils témoignent de sa vadrouille âpre dans les broussailles
Comme sur son visage, les cicatrices sont sourires
La nuit s’encense d’anecdotes folles à vous nourrir
Christian Fatton
Novembre 2017