De crêtes en crêtes

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(Suisse-Jura-Marathon - 323 Kms - Genève-Bâle)

Une véritable orgie,
des montagnes de côtes
embrochées les unes aux autres
à grosses doses englouties.

Au risque d'indigestion,
je goûte pas à pas
aux parfums de sueurs lasses,
qui chassent des fleurs les papillons.

Je défie les risques d'entorse
où cailloux et racines corsent
ce sentier prêteur de "Graal"
surprenant quelque sauvage animal.

Voilà qu'apparaît la fringale
qui, se répandant comme un châle,
voile mon impression de grande forme,
relayée par des vertiges aériformes.

Alors le chemin tortueux,
à contretemps de ma raison se meut,
il danse-s'élève-s'efface, m'harrangue
et dans l'ivresse d'avancer, je tangue.

J'engloutis une petite barre aux céréales,
elle m'offre un bouquet de saveurs
et dissémine comme le pollen des fleurs,
une nouvelle énergie, phénoménale.

Quelle tablée sur ces sommets !,
où au self-service de la douleur naît
un total bien-être anesthésiant le corps.
J'ai la pêche et sa saveur m'édulcore.

L'émotion grandissante me serre la gorge
d'évoquer d'infimes détails où souvenirs se forgent.
Je me rappelle le vent qui ondoyait l'orge
et ce baiser d'encouragement sous le porche.

Je me rappelle les amis et nos kilomètres hivernaux,
dans la neige ça rigolait : ils s'entraînent, les marsupiaux...
Mon ambitieuse foulée s'affabulait de pronostics,
pourquoi je les déjoues en traînant tel un lombric ?

La joie me joue des baisses de pression
quand à l'arrivée me revendiquent mes enfants.
Je jouis de ce bonheur attendu triomphant.
Mais le rêve vécu je me retrouve... un peu couillon !

 

Christian Fatton,
Noiraigue, le 3 novembre 2000



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