Plus il s’entraîne, plus il s’enchaîne

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Plus il s’entraîne
Plus il s’enchaîne
à ses propres limites
ce à quoi il milite
C’est son style de vie
il déjeune au kiwi
il vitamine sa journée
en fonction d’une longue virée
Il est toujours prêt
à se courir après.

Plus il s’entraîne
Plus il s’enchaîne
à sa grande fiction :
courir d’insoumission
à toute sorte de fatigue
Il s’énergise aux figues
ça lui donne la courante
Quoi de mieux pour qu’étoile filante
il tente de parcourir la planète !
Alors qu’on ne cesse de lui dire : arrête !

Plus il s’entraîne
Plus il s’enchaîne
à la course sa passion
jusqu’à la déraison.
En parcourant la nature
il tente de gravir ce mur
nommé « Espoir de résultats »
à des épreuves inhumaines.
Il aligne des pas sur des pas
sait-il au moins où ils le mènent ?

Plus il s’entraîne
Plus il s’enchaîne
si fort dans sa tête
qu’à courir il s’entête
malgré son mal aux flûtes
il sait qu’il s’affûte
à demeurer le maître
de son inextinguible faim
des kilomètres sans fin
Merci mon corps, de le permettre !

Plus il s’entraîne
Plus il s’enchaîne
à sa propre pression
qui devient sa prison.
L’Homme s’impose des frontières
Lui, les recule bien fier
il vagabonde au long des routes
il repousse ses doutes.
Et si parfois il pleure
c’est d’un trop-plein de bonheur !

Plus il s’entraîne
Plus il s’enchaîne
à son vital besoin
qui hors du temps poind
De ce bonheur au temps volé
Il en est souvent jalousé
Il n’a que faire d’espièglerie
le repos pour lui est une grille
s’il en tient trop les barreaux
alors il faut le supporter barjo

Plus il s’entraîne
Plus il s’enchaîne
à une réputation
celle de coureur de fond
Plus qu’il ne faut à l’ouvrage
il repousse le frein de l’âge,
brave les lois de récupération.
L’équilibre précaire est sa caution,
attentif à la santé du jarret
il permet d’éviter l’arrêt

Quand d’un coup il s’arrête
Quand d’un coup il ne s’entête
il lui semble sortir d’un tunnel
que la vie peut aussi avoir du sel
ça peut lui arriver subitement
mais il doute d’être repiqué autrement
Sa tempête de volonté déchainée
sur ses rails il repart obnubilé
Il rêve de sommet mondial
On dit de lui qu’il doit être mal

 

Christian Fatton
Noiraigue, le 22 février 2005



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