Six jours d’Antibes (de course à pied)

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Une course à pied
Six jours et nuits durant
C’est être sur pied
Et vouloir être endurant

Cela englobe dans ce monde à lui
En soi d’avoir la foi
Et ton ravitailleur en toi
Patience, volonté de jour comme de nuit

T’avances dans la fatigue
Tes limites sautent par digue
T’évites les figues
Mange ce qui bétonne
Courir aux wc détonne
Tu veux des kils à la tonne

Donc sois sur pieds et avance
Au passage tes souhaits les balances
Tout se fait en cadence :
Manger et boire
Les renseignements que tu veux avoir
Le repos matin et soir

Purées flans et compotes engloutis
Ton estomac est ton meilleur outil
Et l’inconscience où tu t’es blottis
Mode de fonctionnement en stand by
Sans réfléchir t’avances et tu bailles
Au repos t’as dit bye-bye

Tu t’allonges le temps d’un soupir
Repars tes pieds te font souffrir
Rallonges tes pas grâce aux sourires
Le mental fort autant qu’est dur ce bagne
Nourri du dévouement de ma compagne
Allège mes jambes bâtée comme un âne

Le poids des chocs de chaque kil
Les articulations qui les distillent
Et pourtant mon corps reste docile
Tu t’amollis à la lecture d’e-mails
De supporters restés au bercail
Pas le moment que ton cœur faille !

Nourri d’émotions par tes amis
C’est en mangeant que revient l’appétit
Des kils, que t’avales plus qu’à demi
Si aux vacanciers cette chaleur plaît
Toi elle te laisse plutôt replet
Et durcit les kils du banquet

La piste parfois caillouteuse, sinueuse
Donne à tes pieds un visage de gueuse
Arrêt toubib c’est pas des minutes creuses
Moins de souffrances tu t’économises
N’en est que meilleure la reprise
Ça te permet d’augmenter ta mise

Car ton pari tu le tiens
Bénéficiant du meilleur soutien
Jour après jour tu te maintiens
Mon arme secrète qu’est ma Bien-aimée
Par ses tendresses et bisous volés
Même fatigué, dope ma volonté

Julia qui sans arrêt m’encourage
M’alerte d’excès de vitesse peu sage
Quasi en 3 x 8 de gardiennage
Son attention pleine de sollicitude
M’empêche de connaître la lassitude
C’est la pro, c’est une certitude

Du thé au miel jusqu’au sirop de menthe
En boissons diverses elle m’alimente
Mon amante qui de dévouement s’aimante
La faim la soif la fatigue les ampoules
Très présente elle s’occupe pour que tout roule
Mon six-jours très bien se déroule

Le vent besogneux force de zèle
De face il te coupe les ailes
Aux adversités, dictons tu martèles :
On y va on y croit, je croche
On y va comme en quatorze
Never give up, ein Schritt weiter, hop hop !

Sous le soleil brûlant au zénith
L’allure économe se prête aux rites
L’amitié en ultra n’est pas qu’un mythe
Tes concurrents sont avant tout des potes
T’en connais de nouveau tu papotes
Des confidences sont mises à la chotte

Quant enfin revient la nuit
L’esprit de compét reluit
Tu joues à l’étoile filante qui fuit
Alors des tours t’en accumules
Sur la piste ou peu d’autres circulent
Toi t’avances et ces autres reculent

Avant que ne finisse ton œuvre
Les hallucinations dernière épreuve
Les formes se meuvent l’esprit gobe des couleuvres
En chien pendu, se mute un sac poubelle
En tête bouche ouverte, le couvercle rebelle
De fatigue tes sens se font la belle

Zigzaguant de sommeil tu butes
Sur une pierre, ses sœurs amortissent ta chute
Pour rester réveillé rien ne te rebute
Sur le sol le corps la poussière jonche
Elle s’infiltre jusque dans les bronches
Donne aux jambes une drôle de tronche

Ainsi embaumé le corps se maquille
Là de boutons là d’allergies
D’irritations bien fleuries et rougies
Pommades appliquées sur ces farces
Gorge calmée à sucer des glaces
T’avances, tu cours, malgré tout tu traces

Mers, palmiers mes vacances au soleil
Je voyage en errance spirituelle
Je tourne dans une danse rituelle
Tour après tour de 1300 mètres
Le parcours va chercher son maître
Les performances montent à l’altimètre

Mort de fatigue c’est sans détour
Que le premier attire un vautour
Moi, derrière lui une dizaine de tours
Dans un rythme effréné j’en rajoute
Fond trop peu sur lui pour vaincre cette joute
Le premier s’accroche, n’est pas déjà out

J’offre une poignée de main amicale
Pour clore cette concurrence conviviale
Compétiteur oui mais pas chacal
Je boucle, 842 bornes de faites
Au record suisse j’en rehausse le faîte
Chacun gagne sa victoire et la fête

Le dernier tour c’est l’euphorie
Le dernier tour c’est de la folie
Le dernier tour que c’est beau la vie !

Antibes, Landquart, Noiraigue, juin-juillet 2010
Christian Fatton

Suite au « poème des 6 jours »

Dans ce poème le tu le je se mélangent
Mon esprit mon corps s’interchangent
Mes articulations peut-être se mangent
Mon esprit de fièreté se range
Ma course fût gardiennée par mon ange
Une de plus et des expériences j’engrange
Dans cette course l’esprit le corps se changent
A cette vie je n’y couperais aucune frange
Point à la ligne pour ceux que ça dérange !

Christian Fatton
Landquart, 6 juillet 2010



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