Coast to Kosci, 240 km de Twofold Bay au Mont Kosciusko, 2229 m, New-South-Wales, Australie.

5185 m dénivellation positive à ma montre Polar.

Julia fait un nouveau record féminin et gagne chez les femmes en prenant un excellent 5ème rang au scratch avec le temps de 30h11.25. Le précédent record était au-delà des 32h.
Je prends la 4ème place du général en ayant parfois été troisième en 29h15.26 et est le premier Européen à courir sous les 30h.

La course est limitée à 50 coureurs sélectionnés selon leurs résultats. Environ 80 prétendants pour cette année. Le ravitaillement doit être organisé par chaque coureur avec une voiture suiveuse. De nombreux contrôles, jour et nuits sont effectués par le team organisateur et l’équipe médicale tout au long du parcours.
Les 106 premiers kilomètres sont essentiellement sur pistes. Seuls quelques hectomètres étaient asphaltés. Ensuite une route très abrasive a pris le relais jusqu’au 180ème km environ, ensuite une bonne route asphaltée jusqu’au col et les 20 derniers kms sur pistes et sentiers. Des névés de neige coiffaient encore ici et là le Mt. Kosciusko et les sommets environnants.

La météo a été clémente malgré un jour assez chaud avec la température qui est montée à 31 degrés. Il y avait heureusement parfois un peu de vent pour nous rafraîchir.
On est parti quasiment les pieds dans l’eau de l’océan à 5h30 du matin, à quelques mètres de l’eau, là où le sable est dur et mouillé. L’arrivée est au Col de Charlotte Pass qui est aussi le point de passage du 221ème km.
De Charlotte Pass, nous faisons un aller-retour au sommet de 19 km, avec un coureur accompagnant pour des raisons de sécurité. La température là-haut était aussi agréable, entre 15 et 20 entre 10h et 14h. (A noter que le point 6 de Perisher se trouve à 29 ou 30 km de l’arrivée et non à 21 comme indiqué sur la feuille des résultats, 9 Km séparant Perisher de Charlotte Pass. J’ai le meilleur finish sur ce tronçon, comme sur le tronçon Col-sommet-arrivée au Col.

Mes impressions et déroulements de la course :
De l’océan au 60ème km, on est essentiellement en forêt sub-tropicale ou dans des vallées très verdoyantes. C’était déjà très casse-pattes avec des montées et descentes. Une longue montée nous conduisait ensuite au Big Jack Mountain, début d’un plateau à 700-900 m d’altitude, montée très raide où la plupart des coureurs marchent, comme moi. Là, j’ai eu une grosse frayeur en voyant un serpent noir de 1m50 à 2 m, gros au milieu et qui finissait en pointe à 1 m de moi dans le bas-côté, il a eu peur autant que moi, car j’ai crié et il s’est sauvé sous des branchages. J’avais à ce moment mal dans le bas du dos, articulation du bassin. Je boitais. Du stretching au sommet m’a remis et j’ai pu ensuite prendre un rythme qui m’a fait être plusieurs fois 3ème jusqu’au km 155 environ. Mais à chaque fois que je passais 3ème, le coureur se faisait tirer par ses collègues de son team, qui se relayaient fréquemment pour lui donner le rythme. Dans les plaines, je le voyais ensuite à quelques centaines de mètres devant moi.

On traverse 3 hameaux, on en évite un et on traverse un village, Jyndabyne, puis on traverse une station de ski déserte….en 240 km. Pas de possibilité de refaire le plein avant le 148ème km sur le parcours. Du 70ème au 180ème km, on court dans de vastes pâturages d’herbes souvent sèches, le début du bush. Ensuite, en prenant de l’altitude depuis Jyndabyne, on rentre dans la forêt. On a vu énormément de kangourous, le lundi avant la course, en redescendant un soir du Mt Kosciusko après un entraînement pour reconnaître les 20 derniers kilomètres.
J’ai un coup de mou entre 2h et 6h du matin dans la longue montée qui accède à la vallée du Mt Kosciusko. On me dit que j’ai 2h d’avance sur le 5ème et le 6ème.

Mon but était d’essayer de casser les 30h. Avec mon rythme de montée à 6km/h environ, j’ai beau calculer tous les ¼ d’heures, je me rends compte que si je continue à ce rythme, je vais échouer en un peu plus de 30h, il y a toujours 2 km de trop. Mais durant ces 4h de temps, dans cette longue montée, je me sens incapable d’accélérer vraiment, je ne tiens pas longtemps avec un tempo plus élevé. Je savais que Julia, ma femme était 5 ou 6ème. Au haut de la montée, à 35 km de l’arrivée, on me dit que c’est Julia qui me suit à 2.5 km. Très content pour elle, mais moins pour l’info erronée reçue 2 h auparavant. Je tiens à conserver ma 4ème place. Le troisième je ne le vois plus depuis un bon moment, ni ses 2 voitures suiveuses. Je commence alors à accélérer, en remettant des gaz à chaque fois que je me sens faiblir. Mon but est de conserver cette avance au moins pour le départ de l’aller-retour vers le sommet. Avec environ 15 minutes d’avance, je pense pouvoir conserver ma place. A force de relancer sans cesse, mon corps s’habitue de nouveau à un bon rythme et j’aurai le meilleur temps de course pour le dernier tronçon et la montée au sommet et la redescente à l’arrivée pour finir dans un super temps bien inférieur à ce que j’osais espérer au départ ou à 35 km de l’arrivée, avant que je me mette à lancer mes dernières énergies. Je croise le 3ème et son team de coureurs meneurs d’allure à 300 m du sommet. Si il fait une mauvaise dernière montée, il fait une excellente descente, peut-être la plus rapide, la peur le prenant aussi aux trousses. Etant tombé 2 fois et ayant fini une autre fois dans le fossé pour une perte d’équilibre dans les derniers 19 km, j’assure un peu trop dans le début de la descente pour pouvoir espérer le rattraper. Je finis en moins de 18 min les 4 derniers km, à fond pour un finish d’une course de 240 km. Là, j’ai encore essayé de passer sous les 29h15 et je ne savais pas très bien où j’en étais exactement, ayant déclenché mon chrono au départ après une centaine de mètres… Mais peu importe, j’étais très content du temps et du résultat et de la course, de son déroulement, de mon team.

Mon team était composé de mon cousin Martial Fatton et de mon oncle Marcel Fatton, venus exprès de Perth. Pour leur première expérience pour un ravitaillement de si longue durée, ils ont pratiqués en vrais professionnels. Des blagues parfois pour l’ambiance, toujours aux petits soins et anticipant pour bien des choses, par exemple pour me proposer de l’eau pour me rafraîchir la tête, les bras, durant les heures chaudes du jour. Pour me préparer des biscuits ou des crackers trempés dans l’eau afin que je puisse les avaler facilement, telle une bouillie. Avec la chaleur et l’effort, on a plus assez de salive. J’ai bu environ un litre à l’heure et des boissons hypotoniques principalement. Du coca lorsque l’estomac se rebelle trop mais je n’ai pas eu de problèmes particuliers. Dès le 24ème km, notre team était autorisé à nous ravitaillé. Au début ils me ravitaillaient tous les 3 km environ, selon mes souhaits, puis tous les 2 et avec la chaleur du jour où les dures montées nocturnes, tous les km. Ils me relayaient les infos de course, bien rares car les téléphones portables n’ont pas souvent de réseau. Martial discute aussi avec les membres du team du coureur Andrew Vize qui finit 3ème. Ils lui disent que je les ai plusieurs fois énervés, car je revenais sans cesse sur eux, à mon rythme régulier. Dans les 2 teams Fatton, je crois que chacun a eu beaucoup de plaisir.

Et j’ai réussi à arriver à l’heure de l’apéro, comme mon cousin espérait. En 29h15, j’étais à 10h45 assis….affalé serait plus juste, dans la chaise pliante qu’on m’a offert à l’arrivée. Avec une délicieuse mangue en guise d’apéro offerte par Diane, la femme de Paul Every l’organisateur. Paul, à qui je tire mon chapeau pour la magnifique course organisée. C’est certainement la plus belle des courses en ligne d’un jour que j’aie faite dans ce genre. Et avec le dénivellé de plus de 5’000m, qu’il va certainement corriger sur ses flayers qui n’en indiquent que 4000, c’est aussi une des plus dures du genre. Et le chapeau, c’est le prix de tous les finishers lors de leur première réussite.

Julia pour sa part connait des problèmes avec un mollet depuis le mois de juillet. Cela allait mieux et depuis le premier jour des vacances, 10 jours avant la course et suite à une montée très raide lors d’un entraînement dans les Blue Mountains, son mollet lui causait de nouveau des problèmes. Mais ça a bien tenu, même si il reste parfois trop dur. Elle a dû se masser les jours avant et lui prodiguer des soins avec des tapes et pommades. Elle a pu courir des montées que j’ai marché, par exemple celle des Big Jack Mountains et celle du 162ème au 166ème km, qui est très raide, plus celle qui mène dans le Kosciusko National Park. Je savais que c’était une des seules personnes à pouvoir m’inquiéter sur la fin et je dois avouer que c’est grâce à sa bonne forme, pas loin derrière moi aux alentours du km 215, que je retrouve des forces insoupçonnées qui me permettent de finir même un peu mieux que dans mes plans.

Merci Julia, qui est très fière de pouvoir jouer ce rôle de meilleure coach. Julia était ravitaillée par Henri Guillaume, le mari de ma cousine Marlène et de leur 3ème fille Laura Guillaume, habitant Melbourne. Nos 4 membres supporters ont voyagé de Melbourne à Eden, région du départ, le jour avant la course. Henri et Laura ont été exemplaires et dévoués à tout.

Julia a attrapé une inflammation à un genou et au-devant du tibia. Elle lutte jusqu’à la fin pour sauver sa 5ème place du général, le 6ème étant environ 2 km derrière elle. En se croisant, on a pris le temps pour un bisou… Au sommet, on perd tous 1 minute pour quelques photos et pour atteindre le monument, entouré de pierres inégales qui nous font avancer comme des zombies avec des jambes qui rechignent à la souplesse nécessaire. Malgré ses inflammations, elle fait une course magnifique.
Si on est responsable de notre forme le jour de la course, les ravitailleurs participent au succès le jour de la compétition, car sans une aide efficace et complètement acquise aux coureurs, on a vite fait de perdre des minutes si le service est mauvais ou pas à son affaire lors de moments cruciaux durant la course. Julia et moi remercions infiniment Marcel, Martial, Laura et Henri. Ils ont pris un grand risque avec un service de qualité pareil, ils risquent qu’on leur redemande leur aide si on revient courir la Coast to Kosci….



Warangatta, le lundi 12 décembre 2011